Actualités Kenzaï - Publié le : 03/10/2024

[Interview] Tony Mandonnet : charpenterie, Tiny House et un lama

Tony Mandonnet est un artisan couvreur zingueur charpentier isocombliste (Mandonnet Habitat Auvergne), spécialisé en charpente, couverture et isolation de combles, qui anime aussi La ferme des Bougnats : une micro-ferme pédagogique située à Teilhède, accueillant notamment quelques chèvres et un lama, et dotée d’une Tiny House. 

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Nous avons beaucoup discuté de sa maison et de comment il l’a faite, mais aussi de son activité.

La Tiny House : question de place

En bois d’ossature, il a utilisé du 95 x 45 mm. Cette épaisseur a été dictée par l’épaisseur d’isolant : 80 mm de laine minérale. Il fallait rajouter une lame d’air : « C’est nécessaire d’avoir un vide d’air pour favoriser l’isolation et la pérennité d’un produit. » C’est aussi pratique pour faire passer les câbles électriques.

Il n’a pas pu augmenter l’épaisseur en raison des contraintes spatiales : il faut avoir un habitat spacieux, mais qui doit être transportable en camion. Cela implique des limitations en largeur (2,5 m) et en hauteur (4,3 m) totales. Elle fait 6,60 m de long.

De plus, il a fait le choix de mettre un lambris intérieur et un bardage extérieur, ce qui implique l’épaisseur du lambris plus un liteau de 20 x 38 mm en plus. Il a choisi un lambris classe B pour les murs et un classe A premium blanc pour le plafond, pour faire un contraste de couleur.

Il a aussi utilisé du bois de récupération, notamment pour faire les sommiers. Son idée a du succès : « Aujourd’hui, en confort des lits, j’ai 9/10 ! Et 9.5/10 le logement en général.» Sa préférence va pour les palettes que Kenzaï qu'il utilise pour les tuiles Escandella, pour refaire des couvertures.

Le métier de charpentier : un métier génial, mais qui abîme

Nous discutons de ses projets. Il me parle de son métier avec enthousiasme :

« Je suis en adoration la plus totale pour ce job et tout ce qui en découle : ne jamais bosser au même endroit, jamais avoir les mêmes clients, je suis pas emmerdé par [= dépendant du] le plaquiste, l’électricien [etc.] C’est un beau job, faut pas se mentir. Moi je dépends de personne si tu veux. Alors qu’un plaquiste dépend de l’électricien, le plombier, machin, ils se marchent tous [dessus]... Moi, mis à part l’aléa climatique … Donc je suis très content de mon job. »

Néanmoins, c’est un métier difficile, qui « abîme ». Il prévoit donc de réduire son activité d'ici quelques années.

« Mais, voilà, ça va faire 16 ans au mois d’octobre […] j’ai envie de monter jusqu’à 20 ans d’entreprise et puis garder la structure, faire deux-trois toits par an ou 4-5. 4-5 c’est 3 mois de boulot, même pas, de l’isolation, de la zinguerie, tout ça. Mais à côté voilà, peut-être vivre de mes logements […]. » Ainsi que s’orienter vers la conception de Tiny House et de roulottes.

En effet, la conception des Tiny House est beaucoup plus confortable :

« Et là, basculer sur la [conception de] Tiny House et la facilité de construire chez soi avec un atelier à côté. »

« J’irai pas au-delà des 20 ans d’entreprise en couverture, parce que ça abîme et la construction des Tiny House ça abîme moins et c’est tout aussi voire plus passionnant. »

Construire des Tiny House

« C’est un plaisir de créer, façonner, d’élaborer tout seul, de chercher tout seul le problème, d’être face à un problème d’en faire une solution. Et donc je trouve que la Tiny House, en fait, c’est ultra complet dans le mec qui bricole. Parce que tu dois tout faire en fait. »

Cela permet, en plus, aux potentiels clients et aux visiteurs de venir voir l’espace de construction.

Il n’est pas encore sûr d’en faire son activité principale, mais il envisage d’en faire quelques-unes par an.

Il a déjà des demandes pour sa Tiny House actuelle : « J’ai un gars qui vient 3 jours en octobre, il l’a testée, il m’a dit ‘ça me plaît, je l’embarque’. » Néanmoins, il veut conserver une tiny house à sa ferme. Il va bientôt en construire une autre un peu plus longue (7,2 m) pour pouvoir vendre la première.

La construction de la nouvelle va débuter d'ici le mois de décembre et pour 4 mois en bossant dessus le soir et weekend.

La ferme des bougnats

Le projet de la ferme des bougnats a démarré il y a 4 ans et s’est affirmé l’année dernière avec l’acquisition d’un terrain proche. Il avait déjà un terrain et des animaux (un lama, des chèvres, un mouton d’ouessant, un poney et un petit cochon vietnamien). Avec l’extension du terrain, il a voulu valoriser la vue extraordinaire du lieu en mettant une Tiny House dessus et les animaux font office d’adorables attractions.

« Au vu de la vue que j’avais, et bah j’ai dit ‘j’vais faire une Tiny House’. Et donc le lama et les chèvres tout ça, c’est un peu l’attraction de la Tiny House, c’est un peu ce qui fait venir les gens, plus la vue hein qui est extraordinaire et le concept insolite de la Tiny House en immersion à la ferme. En plus de ça, construite par le type qui la loue, ça plaît énormément. Les gens restent une heure les soirs quand je les accueille à me demander plein de choses. Ils sont fascinés par ça. »

Le concept marche : « Depuis le 23 juin 2024 qu’elle est louée, ça a été quasiment tout le temps plein et les gens […] quand ils étaient de passage regrettent de ne pas être restés 3-4 jours de plus. J'ai déjà des réservations pour 2025 c'est formidable »

Il remercie son petit cousin : « Je remercie aussi mon petit cousin qui a tout juste 20 ans m'a accompagné sur quasiment deux tiers du projet de la Tiny house ».

Lama

Charpente

Ensuite nous discutons charpente et notamment un sujet chaud de la charpente : la comparaison entre charpente traditionnelle et fermettes.

Fermettes et charpente traditionnelle

« Une charpente fermette, c’est un puzzle. Tu mets tes triangles et ensuite tu vas les assembler en mettant d’autres bois en travers, on appelle ça des contreventements. » Elles sont conçues en usine : « L’autre va te faire ton plan : tu lui donnes les cotes de ta surface plan au sol. Par rapport au pourcentage de pente, ils vont calculer le degré de tes fermes, ils vont les faire tailler en atelier. T’arrives, c’est un puzzle : hop, tu montes ça en une journée ta charpente est posée. »

« Quand ils livrent, ils te donnent le plan. […] Et donc tu construis [comme c’est prescrit] dans le plan. »

Elles seraient simplement « agrafées » avec des pointes.

La structure peut être trop légère et on met, pour améliorer la stabilité, des tuiles lourdes, par exemple des tuiles béton.

A l’inverse, dans une charpente traditionnelle, vous avez des fermes, qui vont supporter des pannes, qui vont supporter les chevrons.

[Après discussion avec un collègue, la grande différence est que les fermettes (de petites fermes donc), sont plus fines et légères que les fermes traditionnelles. Leur multiplication remplace le rôle des pannes et on a, au final, un chevron par fermette.]

La comparaison

« Moi je trouve, ça fait un peu cagette. Mais bon, si ça été élaboré et pensé comme ça, c’est que ça a son utilité et puis que divers ingénieurs et compagnie ont donné leur aval pour que ça se fasse. Donc normalement il y a pas de souci quand on en fait. »

Il travaille beaucoup sur fermettes, mais il ne la pose pas.

Il n’aime pas et trouve cela plus dangereux.

« Ça plaît pas à beaucoup de monde en charpente ! Ceux qui font ça c’est pour le business, point barre. Il y a rien d’attrayant, il y a rien de passionnant à monter des trucs qui ont été faits par d’autres en usine, à agrafer, c’est juste de l’assemblage. »

« La charpente à l’ancienne, t’as du volume, t’as du bois, t’as de la consistance sur ton mur, t’as une assise sur ta maison. T’apportes une structure, une vraie et puis après tu peux mettre une volige, tu circules en sécurité quand tu mets une volige. Sur une fermette, tu mets directement tes liteaux et tes tuiles dessus. »

Il souligne aussi qu’on ne peut pas faire de combles aménageables en dessous en général (certaines fermettes sont conçues pour).

« C’est là, c’est moins cher, ça se pose facilement, mais est-ce que c’est durable ? »

En effet, c’est une innovation récente, qu’il estime remonter aux années 70 venant des États-Unis, contrairement aux charpentes traditionnelles qui peuvent avoir plus de 100 ans. Il doute qu’elles puissent durer autant.

Il résume : « On refait tout, mais pas dans le bon sens. On veut essayer de créer des choses, mais pour moi la qualité se perd et pour moi, c’est pas vraiment une charpente. Un charpentier n’arrivera pas à te dire que c’est vraiment une charpente. C’est là, on fait avec, ça se pose facilement, c’est moins cher, mais est-ce que c’est durable ? »

Les essences de bois

Pour lui, le pin il est à écarter sauf le douglas, qui est particulièrement résistant. Il est beaucoup utilisé par les charpentiers locaux, ainsi qu’une autre essence locale encore plus résistante : le mélèze.

Le douglas est un conifère, mais un « bois à la force tranquille », « un bois du nord venant des états Unis et introduit en Europe du nord il y a 200 ans environ. Il va avoir une résistance supérieure du fais d'être imputrescible a cœur une [meilleure densité] malgré une croissance rapide comme la plus part des conifères. Le douglas c’est pour moi le bon compromis pour un environnement comme on a ici. »

Il préfère néanmoins, dans l’idéal, le mélèze, qui a une croissance plus lente et une meilleure densité. « Alors là le mélèze, on est encore un cran au dessus je trouve. C’est un bois un peu cher, mais on en a pour son prix et c’est ce qu’il faut regarder. » On l’appellerait même « le chêne de montagne » eu égard à sa résistance.

Les besoins dans le bassin clermontois

On discute ensuite de ses chantiers les plus courants dans le bassin clermontois. Il m’explique qu’il fait surtout des couvertures : « Le support est protégé, la tuile est pas protégée, elle est exposée aux variations climatiques continuellement. La charpente est protégée par la tuile. »

Ils vont surtout rénover la charpente : changer des chevrons ou des pannes défectueux. Éventuellement faire des traitements contre les xylophages où pour entretenir avec des produits qui vont nourrir le bois. Il évoque aussi les avancées de toiture, les carports.

Les changements globaux de charpente sont rares : « Quand ils changent leur charpente, c’est la personne qui a investi dans un corps de ferme ou une vieille maison où il […] veut tout changer parce qu’il veut repartir ‘propre’. » De même, les attaques d’insectes xylophages supposent rarement de grands changements.

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1 commentaires

Levadoux.A - 08/10/2024 16:52:32


Monsieur Mandonnet a refait ma toiture, un excellent travail, propre, sérieux, très sociable. Je recommande cet artisan à 200%. Et si besoin, je reprendrais contact avec lui. Encore un grand merci pour son précieux travail