Nos partenaires - Publié le : 11/01/2023

Métabatik et le réemploi des matériaux

70% du volume de déchets en France est généré par le secteur du BTP en France dont 42 millions de tonnes de déchets inhérentes au seul secteur du bâtiment.

Les ressources naturelles s’épuisent année après année - selon l’ADEME, le secteur de la construction dans le monde représente 50% de la consommation des matériaux et des matières premières.

A ces enjeux environnementaux s’ajoutent différentes crises économiques qui impactent les prix des matériaux et créent des tensions sur les portefeuilles à allouer dans le secteur du BTP.

Nous sommes allés à la rencontre de Christine Gardies, chargée de collecte et de réemploi des matériaux chez Métabatik, une association spécialisée depuis 2019 dans la création d’une filière de réemploi de matériaux issus du BTP.

Christine Gardiés de Métabatik

Quelle est la grande différence entre réemploi des matériaux et recyclage ?

« Dans la pratique la grande différence réside dans le processus mis en place. Dans le réemploi, le matériau a une seconde vie sans transformation de matière. A l’inverse, le recyclage fait intervenir une transformation et par voie de conséquence, le recours aux énergies pour ce faire.

Le Code de l’environnement hiérarchise le traitement des déchets qui favorise au maximum en premier lieu le réemploi des matériaux. L’idée étant de prévenir en amont que le matériau de construction ne devienne un déchet. Avec l’approche recyclage, le matériau est déjà envisagé comme un déchet juridiquement parlant.

Jusqu’à la loi AGEC (Anti-gaspillage pour une économie circulaire) de 2020, il y avait un flou sur le sujet du statut de déchet et le réemploi était compliqué. Depuis la promulgation de la loi, si un opérateur (acteur tiers) a la capacité de contrôler un matériau et annonce qu’il est réemployable, il est possible d’en disposer plus facilement. »

Benne avec mention de Métabatik dessus

Quels sont les critères de réemploi de matériaux ?

« Les matériaux en fin de vie doivent être en bon état et facilement “déposables” (démontables), à titre d’exemple un parquet collé l’est difficilement. Il est également nécessaire qu’il y ait de la demande pour le matériau en question, que ce dernier soit recherché.

L’aspect ‘local’ est en outre important, chez Métabatik, nous intervenons dans un rayon d’une heure maximum autour de Clermont-Ferrand. Ce critère environnemental est essentiel afin d’éviter ce non-sens d’aller chercher les matériaux en fin de vie trop loin et donc d’ajouter des émissions carbone matériau liées au transport des matériaux. »

Quels sont les matériaux de construction les plus et les moins réemployés ?

« Il existe plusieurs types de réemploi :

● Le réemploi “ex situ” : un matériau réemployé d’un bâtiment à un autre chantier

● Le réemploi in situ: un matériau directement réemployé sur le même site que celui de la déconstruction, en rénovation ou pour une nouvelle construction, c’est le plus recommandé en matière d’empreinte environnementale car il limite le transport.

● Le détournement d’usage, tel le réemploi de fenêtres en guise de cloison intérieure, les caractéristiques techniques et thermiques en deviennent moins importantes.

Le réemploi de matériaux est très corrélé à l’offre et la demande, la plupart des matériaux de construction sont en théorie à peu près réemployables.

A titre d’exemple, les tuiles sont très demandées mais il est difficile de savoir comment, et quand, elles ont été posées, leurs capacités d’étanchéité, si elles seront efficaces pendant encore 20 ans ou 3 ans... C’est l’une des problématiques dans le réemploi des matériaux où la traçabilité est très importante.

Collecte verrière siège Michelin par Métabatik

Il y a une forte demande autour des structures : des charpentes bois et des briques. Les éléments de second œuvre sont également plébiscités tels que les cloisonnements (fermacell®, placo, verre), les menuiseries (portes fenêtres) et tout ce qui a trait aux couvertures et revêtements de sol.

En revanche, le réemploi des matériaux est moins évident pour tous les éléments aux dimensions spécifiques tels que les portes de garage, serrurerie, main-courante. Les normes juridiques sont un autre frein - les portes coupe-feu.

Les questions d’époque liées au confort de vie ou aux contraintes environnementales comme les fenêtres anciennes et les luminaires anciens sont également une problématique pour le réemploi.

Enfin, il existe des barrières psychologiques associées aux éléments inhérents aux sanitaires (WC), les fenêtres en PVC ne vont pas forcément attirer non plus, alors que les réutiliser s’inscrit plus dans une approche écologique que des fenêtres neuves en matériaux biosourcés ! »

Comment favoriser le réemploi des matériaux ?

« Les contraintes conjoncturelles – raréfaction des ressources, impact de la production – liées au BTP sont manifestes, le réemploi des matériaux en fin de vie est une vraie réponse apportée à cet état de fait.

Pour que le réemploi se démocratise, il faut qu’il soit anticipé le plus en amont possible dans tous les corps de métiers du BTP. Ainsi, les matériaux doivent être à l’origine de bonne qualité, comme les radiateurs en fonte, et facilement déposables comme les parquets à pose clouée.

Lors de la conception des bâtiments, il est important d’intégrer également la phase de déconstruction. Métabatik collabore avec des architectes en devenir afin qu’ils soient sensibilisés à la réversibilité des bâtiments et le réemploi des matériaux.

collection tuiles par métabatik

Par ailleurs, il n’existe pas encore d’assurance concernant les matériaux réemployés et cela peut être problématique pour les maîtres d’œuvre et les professionnels du bâtiment. L’une des solutions aujourd’hui réside dans le détournement d’usage. Les tuiles, par exemple, peuvent être concassées, les fenêtres employées pour créer une verrière intérieure ou une porte transformée en table ou cloison de séparation.

Le détournement d’usage fait écho avec la réversibilité du bâtiment, cette approche constitue un vrai enjeu dans le BTP. Cependant, cela ne s’est pas encore démocratisé, certains de nos clients arrivent à se projeter, mais beaucoup ont encore du mal. »

Quel est l’impact du réemploi des matériaux dans l’écoconstruction ?

« Le réemploi des matériaux influe principalement aux niveaux écologique et économique dans la construction durable.

● L’impact écologique : la fabrication d’un matériau de construction requiert beaucoup d’énergie a contrario d’un matériau issu du réemploi.

● L’impact économique : construire coûte cher, les matériaux de réemploi restent en moyenne 50% moins onéreux à l’achat.

● L’impact de la conservation de la mémoire du lieu : le fait de construire avec le réemploi confère une singularité grâce au charme du vécu, Métabatik a par exemple collecté une verrière du siège Michelin qui a été ré-utilisée sous forme de serre par des particuliers. Des matériaux porteurs d’histoires

La filière du réemploi de matériaux travaille beaucoup avec les éco-constructeurs, ce sont des particuliers, des architectes convaincus par l’aspect écologique. De plus, nous mettons en place des partenariats avec des fabricants, nous avons notamment récupéré des chutes de matériaux (fermacell®), qui n’auraient pu être vendues, auprès d’un fabricant de maison à ossature bois (MOB). »

sensibilisation au réemploi des matériaux par métabatik

Les entreprises du bâtiment sont-elles sensibilisées aux filières à responsabilité élargie (REP) ?

« Elles le sont de plus en plus car à partir de mai 2023, les “producteurs de matériaux” (fabricants et distributeurs)devront payer une écocontribution à des organismes qui géreront les matériaux en fin de vie de manière à éviter le plus possible l’incinération.

Les clarifications opérationnelles de cette réglementation seront apportées durant le premier semestre 2023, l’idée étant que tous les matériaux invendus, ou qui devraient finir en déchetterie, soient récupérés en point de collecte et ce de manière gratuite. (loi REP)

Avec la REP les “metteurs sur le marché de matériaux” – fabricants, distributeurs, déconstructeurs – deviennent responsables de la fin de vie des matériaux.

La loi leur impose donc de financer un éco-organisme qui viendra gérer cela pour eux. Dans le secteur du bâtiment, ce sont 4 acteurs, agréés par les pouvoirs publics, qui se chargent de la coordination pour la mise en place des points de collecte, de la formation des personnes qui viendront sensibiliser à cette approche écologique et s’assurent que le circuit de collecte fonctionne bien.

Les distributeurs auront également l’obligation de mettre en place les points de collecte afin de faciliter le ramassage des matériaux en fin de vie. La mise en pratique reste compliquée ; quel type de matériaux va-t-on collecter ? Avons-nous le personnel formé pour effectuer cela ?

La législationREP-PMCB[1] est entrée en vigueur au 1 janvier 2022, mais sera mise en place de manière opérationnelle courant 2023. Le principe de la REP est déjà effectif dans d’autres secteurs d’activité que celui du BTP notamment les jeux d’enfants ou les emballages alimentaires, où le législateur incite les restaurateurs à passer aux emballages réutilisables. Les emballages jetables étant interdits à partir de 2023. »

Equipe directrice Métabatik

Votre mot de la fin

« Le terrain est bon pour un marché en devenir. Les prochains leviers résideront dans l’implication des architectes, artisans et fabricants afin qu’ils intègrent la notion de réemploi des matériaux dans leur manière de travailler. Le législateur, les facilitateurs de conception (bureau d’études pouvant conseiller les maîtres d’ouvrage) et les facilitateurs logistiques, tels que Métabatik, ont également un rôle important à jouer. 

Métabatik est convaincu que l’avenir du BTP, comme dans beaucoup de secteurs de la société, est de faire avec ce que l’on a à disposition autour de soi. Pour cela nous devons changer nos habitudes, notre prisme, et ouvrir les yeux sur ce que l’on a devant nous et ce qu’il est possible d’en faire. Cela implique parfois de changer les usages des produits : le détournement d’usage en est la clé de voûte. C’est d’ailleurs l’origine grecque de “Metabatik” : “avec ce que j’ai, je fais autre chose”. »

La vision de Métabatik cadre parfaitement avec les valeurs de Kenzaï, et nous sommes fiers de ce partenaire privilégié qui s'investit à la fois dans l'écologie, le tissu économique et favorise l'existant dans la construction et la rénovation. 

logo métabatik

La matériauthèque : Puy Long, 63000 CLERMONT-FERRAND 



[1]REP : filière à responsabilité élargie – PMCB : Produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment


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